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Sur le Larzac, le bois-énergie aide au maintien du pastoralisme

La production de bois-énergie permet de financer l'entretien des parcours des brebis, photo Frédéric Douard

La production de bois-énergie permet de financer l’entretien des parcours des brebis, photo Frédéric Douard

Les paysages ouverts des grands causses français, ces hauts plateaux calcaires présents dans les départements de l’Aveyron, de la Lozère ou de l’Hérault, sont la signature d’un pastoralisme ovin ancestral. Aujourd’hui, ces paysages agricoles emblématiques, qui pourraient paraître immuables, se reboisent. Dans la première moitié du XXe siècle, il s’est agi surtout de plantations réalisées par l’ONF ou par des propriétaires privés. Depuis les années 1950, c’est avant tout un reboisement spontané, dû à l’évolution des pratiques pastorales et à une utilisation moindre du bois comme mode de chauffage.

Les Causses et Cévennes ont été classés au patrimoine mondial de l’Unesco, ici la ferme de Saint Martin qui héberge la chaufferie bois, photo Frédéric Douard

Les Causses et Cévennes ont été classés au patrimoine mondial de l’Unesco : ici la ferme tricentenaire de Saint Martin qui héberge la chaufferie bois du hameau, photo Frédéric Douard

Le silo de Saint-Martin aménagé dans une ancienne bergerie, photo Frédéric Douard

Le silo de Saint-Martin aménagé dans une ancienne bergerie tricentenaire, photo Frédéric Douard

Depuis quelques années, avec la prise de conscience d’une fermeture progressive des milieux caussenards, et le classement des Causses et Cévennes au patrimoine mondial de l’Unesco en tant qu’exemple exceptionnel d’agropastoralisme méditerranéen, il est apparu urgent pour ses habitants de contenir cette progression de l’arbre, qui se fait au détriment du pastoralisme, et ceci tout en améliorant les boisements existants pour mieux les valoriser. Car en prolongeant les tendances actuelles, dans quelques décennies, le paysage des causses risque bien de changer radicalement : il n’y aurait plus que des champs cultivés entourés de forêt, un paysage banalisé comme on en trouve ailleurs en France.

La ferme des Baumes est chauffée au bois déchiqueté depuis 2010, photo Frédéric Douard

La ferme des Baumes est chauffée au bois déchiqueté depuis 2010, photo Frédéric Douard

Une chaudière Hargassner a été installée en 2010 à la ferme des Baumes, sous voûte de pierre, photo Frédéric Douard

Une chaudière Hargassner a été installée à la ferme des Baumes sous voûte de pierre, photo F. Douard

Cet embroussaillement et le reboisement des parcours utilisés par les troupeaux seraient non seulement la fin d’une ressource essentielle en fourrage d’une qualité exceptionnelle pour les éleveurs caussenards, mais aussi la quasi-disparition d’une flore non moins exceptionnelle liée à ces milieux ouverts de type steppiques : les cardabelles, les cheveux d’ange, les fameuses oreillettes (pleurote du panicaut) et de nombreuses espèces d’orchidées sauvages parmi tant d’autres. Ajoutons à cela la hausse des prix des énergies fossiles et la nécessaire lutte contre le changement climatique, et les motifs ne manquent pas pour lancer un programme ambitieux de bois-énergie.

Les habitants de Saint-Martin sont chauffés au bois déchiqueté grace à un petit réseau de chaleur, photo Frédéric Douard

Les habitants de Saint-Martin sont chauffés au bois grâce à un petit réseau de chaleur, photo FD

Un chaudière Hargassner chauffe le hameau de Saint-Martin du Larzac depuis janvier 2014, photo Frédéric Douard

Une chaudière Hargassner chauffe le hameau de Saint-Martin du Larzac depuis janvier 2014, photo F. Douard

La SCTL, la Société civile des terres du Larzac, gère 6500 hectares de terres acquises par l’Etat lors du projet d’agrandissement du camp militaire, des terres aujourd’hui confiées à des producteurs de lait de brebis, notamment pour la production du célèbre Roquefort. Sur cette surface au départ totalement disponible pour le pâturage, environ 3000 ha sont déjà reboisés ou en voie de boisement. En raison des conditions naturelles (sols peu profonds, prédominance du pin sylvestre et du chêne pubescent), rares sont les parcelles pouvant fournir à court ou moyen terme du bois d’œuvre ; plus nombreux sont les peuplements pouvant fournir du bois pour l’industrie, mais le débouché principal reste le bois-énergie avec la bûche ou la plaquette forestière.

Après des années de réflexion, de tâtonnements, de chantiers bénévoles destinés à démontrer la faisabilité et la rentabilité d’une activité bois-énergie sur ce causse surplombant Millau, la SCTL espère enfin voir démarrer l’activité. Quelques clients sont d’ores et déjà intéressés par les plaquettes du Larzac, et des chaudières individuelles à plaquettes se multiplient dans les nombreux hameaux du plateau : à la Salvetat, Jassenove, les Baumes ou St-Martin… Des projets de plus grande ampleur pourraient voir le jour à Saint-Affrique ou à Millau, et qui garantiraient la pérennité de cette activité qui s’inscrit pleinement dans la démarche de développement durable : écologie (lutte contre le changement climatique), économie (création d’emplois non délocalisables) et social (baisse du coût de l’énergie pour le consommateur).

Place de déchiquetage à la ferme des Baumes, photo Frédéric Douard

Place de déchiquetage à la ferme des Baumes, photo Frédéric Douard

Une animatrice, Emmanuelle Galtier a d’ailleurs été embauchée par la SCTL pour faire éclore ces projets de bois-énergie, avec la création d’une association (préfiguration d’une société coopérative) intitulée « Les bois du Larzac ». Après l’élaboration d’un Plan simple de gestion sylvicole, l’étape suivante sera de démarcher de nouveaux clients pour la plaquette et pour les bûches, afin de pouvoir disposer d’un volume suffisant pour financer la construction d’un bâtiment destiné au séchage des plaquettes et de pérenniser un poste à mi-temps ou à plein temps.

Chaudière Fröling à la ferme de Jassenove, sous voûte traditionnelle en pierres, photo Frédéric Douard

Chaudière Fröling à la ferme de Jassenove, sous voûte traditionnelle en pierres, photo Frédéric Douard

Et le potentiel est bien là : rien que sur les 894 hectares de pins sylvestre à passer en coupe, sans compter donc les 1 500 autres ha de boisements, l‘accroissement annuel est estimé à 2 520 m³ de bois par an, soit près de 5 000 m³ de plaquette forestière, de quoi alimenter largement une petite structure de bois-énergie.

Pour la SCTL, l’objectif de l’activité bois-énergie est non seulement de valoriser au mieux la ressource, mais si possible de reconquérir des parcours pour le pastoralisme, y compris des parcours ombragés (sylvopastoralisme), afin que cette nouvelle ressource vienne renforcer cette agriculture extensive et naturelle, souvent même biologique, au lieu de pousser les pratiques vers des élevages intensifs alimentés par des aliments importés d’autres régions voire d’autres pays. Car les coûts de girobroyage pour entretenir les parcours ou pour rendre les parcelles boisées pacageables peuvent difficilement être assumés par les agriculteurs. Et c’est justement là que le débouché bois-énergie peut permettre la réalisation économique de ces travaux et contribuer au maintien de cette pratique agricole douce. Les mesures agro-environnementales de la nouvelle PAC devraient renforcer cette option.

Déchiquetage à la Ferme des Baumes avec la déchiqueteuse Noremat  des Ets Chayrigués, photo Emmanuelle Galtier

La déchiqueteuse Noremat des Ets Chayrigués à la Ferme des Baumes, photo Emmanuelle Galtier

Bref historique des actions forestières de la SCTL
1985 Premières coupes d’éclaircies
1996-98 Réalisation d’un Plan Simple de Gestion (PSG) pour une période de 15 ans
2004 Etude sylvopastorale menée par l’INRA et l’Institut de l’Elevage (définition des objectifs de gestion, accompagnement des fermiers).
2006-09 Encadrement de la gestion forestière par un expert du cabinet Forêt Evolution (définition d’un programme d’exploitation, information et concertation avec les fermiers). Mise en place de contrats de vente de bois sur pied.
2010-11 Chantiers de mise en oeuvre de plaquettes forestières avec la participation des fermiers.
2013 Lancement de la filière bois par la réalisation du second PSG à caractère sylvopastoral pour une période de 10 ans. Création de l’Association Les Bois du Larzac avec l’embauche d’une animatrice à mi-temps. Installation de chaudières à plaquettes dans plusieurs hameaux, dont un mini-réseau de chaleur (trois maisons) à Saint-Martin.
Thomas Lesay, photo Frédéric Douard

Thomas Lesay, photo Frédéric Douard

Contacts :

Auteur : Thomas Lesay, exploitant agricole et co-rédacteur du journal Gadarem Lo Larzac

Déchiquetage par les Ets Chayriguès de Flavin dans l'Aveyron, photo Emmanuelle Galtier

Déchiqueteuse NOREMAT des Ets Chayriguès en chantier sur le Larzac, photo Emmanuelle Galtier

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