Le granulé de bois 100% résineux, une mode qui commence à s’estomper en France

Granulés de résineux produits sur le massif du Jura, photo Frédéric Douard
L’engouement pour le chauffage au granulé ou pellet de bois chez les Français a commencé au début des années 2000. Il s’est ensuite fortement implanté dès les années 2010 et concerne aujourd’hui de 1,2 million de ménages, ce qui représente 2,65 millions de personnes chauffées avec ces petits cylindres de bois. Les raisons de cette histoire d’amou qui ne se dément pas sont multiples : un prix d’énergie parmi les plus bas du marché, une facilité d’utilisation déconcertante, une dimension écologique incontestable, un produit le plus souvent local ou national, et pour les poêles, qui représentent l’immense majorité des installations domestiques, un investissement raisonnable bénéficiant d’une très grande facilité d’installation et d’une forte convivialité d’utilisation.
Pourquoi la mode du 100% résineux ?
Il n’a échappé à personne, depuis presque 20 ans en France, de nombreux producteurs et vendeurs de granulés, font l’éloge des granulés 100% résineux. Pourtant, cette mise en avant qui n’a rien de technique et prend racine dans l’histoire même de cette filière qui est née en France après le second choc pétrolier de 1973-74. Les premiers granulés de chauffage produits dans le pays furent ainsi des granulés de paille, réalisés dans des installations industrielles que possédaient certaines coopératives agricoles pour produire des aliments pour le bétail. Rapidement, le bois, plus facile à utiliser et plus disponible sur le territoire, a remplacé la paille. Or la France est couverte à 70% de bois feuillus et certaines régions n’ont même que très peu de résineux. En toute logique, les premiers granulés de bois ont été produits, selon les régions, à partir de bois feuillus comme le chêne ou le châtaignier, ou avec des essences résineuses comme les pins, épicéas ou sapins, et dans presque tous les cas directement à partir de sciures de scieries et/ou de copeaux de rabotage.

Granulés de chêne en diamètre 9 mm commercialisés par deux producteurs franc-comtois jusque dans les années 2000, photo Frédéric Douard
Bien des années plus tard, à partir de 2003, deux phénomènes ont orienté la production de pellets vers les ressources résineuses. La première est l’évolution des scieries françaises, à l’origine petites et multi-essences, vers des plus grandes unités spécialisées sur quelques essences proches, à la recherche d’optimisation, de normalisation et de compétitivité. En 40 ans, ce phénomène et la concurrence internationale ont décimé les petites scieries au profit de grands établissements et les bois résineux, poussant bien droit et plus rapidement, ont remporté leur adhésion, ce qui fait qu’aujourd’hui, les plus grandes scieries de France continentale sont résineuses. Or pour produire du granulé en grandes quantités, il a été aisé de le faire au plus près de la ressource, donc tout près ou dans les scieries résineuses.
Le deuxième phénomène qui a plébiscité les granulés résineux, c’est la pression des fournisseurs d’équipements, poêles et chaudières, qui ont fait leurs premières armes dans les années 1990 dans des pays très largement pourvus de résineux, comme l’Autriche, l’Allemagne ou le Nord de l’Italie. Et comme ces constructeurs ont mis au point et réglé leurs appareils avec des pellets résineux, par facilité, lorsqu’ils les ont exportés, ils ont exigé qu’ils soient utilisés avec du résineux. Et comme presque tous les appareils de chauffage à pellets viennent de ces quelques pays, il est devenu presque normal de ne consommer que des granulés résineux, ce qui a quasiment fait disparaitre les productions feuillues dans les années 2000.
Pourtant, il n’y a aucune justification technique à privilégier le résineux. Alors certes, si on les regarde à loupe, les granulés résineux ont un peu moins de minéraux que leurs homologues feuillus, et un chouia de pouvoir calorifique en plus, mais rien de réellement significatif. Pour preuve, dans certaines régions du Monde où il n’y a pas de résineux, les appareils à granulés fonctionnent aussi bien qu’ailleurs : c’est le cas par exemple de la côte Est de l’Amérique du Nord ou sur le pourtour de la Méditerranée.

Granulés de châtaignier certifiés DIN+, photo Frédéric Douard
Une inflexion progressive depuis le début des années 2010
Ce qui change aujourd’hui est que nous arrivons en France au bout de la ressource résineuse disponible à la granulation car celle-ci est presque totalement utilisée à d’autres applications dans le bâtiment, le papier, les palettes et les panneaux OSB. Cette limite a commencé à se fait sentir en France il y a une quinzaine d’année. Au début, les producteurs de granulés de bois résineux, ne disposant ou ne trouvant plus assez de sciures et de copeaux, ont commencé à broyer les chutes de sciages. Aujourd’hui, bon nombre de grands producteurs utilisent des petits bois ronds de faible qualité après les avoir naturellement écorcés pour en ôter le maximum de minéraux. Et certains intègrent petit à petit des pourcentages de feuillus de moins en moins marginaux.

Poste d’écorçage de billons feuillus chez un granulateur français, photo Frédéric Douard
Alors, si la production française de pellets veut continuer à croitre, comme elle le fait sans discontinuer depuis plus de 20 ans, il faut qu’elle s’approvisionne sur la ressource encore largement disponible et bon marché : le feuillu, et même le feuillu en bois rond tant les volumes de produits connexes feuillus en France sont rares et dispersés sur le territoire. C’est le choix qu’ont déjà fait plusieurs producteurs comme Biosyl, dès 2013 avec une utilisation massive de rondins de feuillu pour la production d’un granulé mixte. C’est aussi ce que font des granulateurs non scieurs et tributaires des ressources disponibles chez autrui.

Poste d’écorçage de billons résineux chez un granulateur français, photo Frédéric Douard
Signalons par ailleurs, pour ceux qui plaident pour des granulés produits localement, et ils sont nombreux, que le granulé de feuillu s’impose partout où les résineux ne poussent pas ou très peu, comme c’est le cas dans la nouvelle usine mise en service cet automne en centre Picardie, et approvisionnée à 100% en bois des Hauts-de-France !
Quelles conséquences pour les utilisateurs de chaudières ?
La combustion des granulés de bois dans des chaudières à pellets ne présente aucune exigence en matière d’essences. Car ce qui peut réellement changer entre des granulés feuillus et résineux, c’est la masse volumique, qui est un facteur qui joue sur le réglage de l’alimentation du foyer. Or toutes les chaudières à granulés savent automatiquement réguler les apports en granulés en fonction de la température obtenue, presque quelle que soit la qualité relative de la matière, en bois résineux, mixte ou même 100% feuillue.

En chaudière, les réglages d’alimentation sont réalisés automatiquement, photo Herz
Quelles conséquences pour les utilisateurs de poêles ?
Nous avons évoqué les différences possibles entre des granulés feuillus et résineux, à savoir principalement de petites variations en taux de minéraux et en masse volumique. Or, dans le cas des poêles ces facteurs peuvent avoir de réelles influences sur la fréquence de nettoyage et sur le réglage de l’alimentation. Alors, si certains poêles haut de gamme équipés d’une sonde lambda sauront comme les chaudières gérer ces variations, la grande majorité demandera une attention particulière de la part des utilisateurs.

Combustion dans un poêle à granulés, photo Frédéric Douard
La première attention doit concerner le taux de cendre, pour ne pas pénaliser les conditions d’utilisation. Les granulés feuillus, doivent tout comme les résineux, obéir aux critères des certifications en vigueur, ce que les producteurs de granulés savent très bien faire en portant tout simplement une attention particulière à la propreté et à la fraicheur de leur matière première, et en vérifiant très régulièrement le résultat de leur travail.
L’autre question concerne les variations de masse volumique qui imposent un réglage de l’alimentation de l’appareil, en l’occurrence la fréquence et la durée de fonctionnement de la vis d’alimentation. Rien de sorcier en fait, juste le fait qu’il faille adapter le réglage lorsque l’on change de qualité de granulé, d’un résineux à un feuillus, mais ce qui est aussi vrai de certains résineux à d’autres résineux, ce qui est moins médiatisé mais non moins réel, du pin à l’épicéa, voire de l’épicéa de plaine celui d’altitude !
Ce type de réglage n’est pas seulement utile pour le bon fonctionnement de son appareil, pour son faible encrassement, pour la limitation des émissions de particules fines, il est aussi garant d’une plus faible consommation, comme l’a montré en 2023 une étude du Laboratoire Lermab à Epinal : le bon réglage d’un poêle à granulés permet également de gagner de 2 à 20% du rendement, donc de 2 à 20% de consommation, tout en réduisant de 20 à 50% les émissions polluantes.
En conclusion, il ne faut pas avoir peur des granulés mixte feuillus-résineux, ni même ses granulés 100% feuillus, l’important est juste de le savoir et de faire ce qu’il faut pour ne pas en être pénaliser, en demandant à son installateur ou en utilisant à l’avenir des applications de réglage comme N2Air.
Frédéric Douard