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Que va gagner l’État à sacrifier l’énergie du pouvoir d’achat des Français : le chauffage au bois ?

Le privilège et le bonheur de se chauffer au bois, photo Hase France

Quelques jours avant Noël, le gouvernement Barnier a fait une mauvaise surprise aux Français : une nouvelle baisse de 30% des aides à l’installation d’appareils de chauffage au bois performants, après une première baisse de 30% appliquée le 1er avril 2024. En 8 mois, les gouvernements successifs ont ainsi décidé de diviser par deux les aides au chauffage au bois. Comment expliquer qu’on sacrifie autant cette filière vertueuse indispensable à la transition énergétique et au pouvoir d’achat des Français ?

Sur la forme, la décision a de quoi surprendre : la veille de sa démission et alors que les crédits budgétaires étaient en train d’être censurés à l’Assemblée nationale, le gouvernement Barnier a publié en catastrophe cet arrêté sans même donner le temps de mener à terme les échanges avec les professionnels. Un bon exemple de confusion entre vitesse et précipitation…

Sur le fond, cette décision ne surprend plus, elle désarçonne : le chauffage au bois, est reconnu partout en Europe comme vertueux à la fois pour l’environnement (le granulé ne rejette que 30g de CO₂ par kWh) et pour le pouvoir d’achat ; le bois, selon sa forme se vend en France entre 5 et 7,5 cts€ par kWh… seulement. C’est donc une excellente énergie de substitution aux énergies fossiles ou à l’électricité qui, avec un prix au moins trois fois plus élevé pour cette dernière, continue d’alimenter 5,5 millions de foyers en maisons individuelles en France. Pourquoi se passer d’une partie de la solution, quand les défis sont si grands ?

Alertés il y a quelques semaines de ce projet de décision, les professionnels du chauffage au bois ont tenté de faire entendre raison aux décideurs. Ils ont été rejoints par plus de 60 parlementaires de tous bords qui ont interpellé les ministres de l’Ecologie, de l’Energie ou de l’Industrie sur le risque de cette baisse sur le pouvoir d’achat des Français. Comment accepter que le gouvernement fasse fi de ces alertes, au moment où partout se murmure que l’Etat ne soutient plus le bois-énergie ?

En temps de crise budgétaire, on peut comprendre que l’Etat cherche à faire des économies. Mais le chauffage au bois domestique ne représente que quelques dizaines de millions d’euros dans le budget de l’ANAH à travers MaPrimeRenov et il permet à plus de 7 millions de ménages français de faire chaque année des centaines, voire des milliers d’euros d’économies, et à l’Etat de réduire le déficit d’importation des énergies fossiles (plus de 100 milliards d’Euros en 2022 !).

Pour certains, la raison serait à chercher du côté du « bouclage biomasse », finalisé par le Secrétariat général à la Planification écologique (SGPE) durant l’été 2024. Selon cette institution très influente créée par le Président Macron, la biomasse ne serait pas en quantité suffisante pour tous les usages, faisant de la décarbonation des sites industriels une priorité contre le chauffage résidentiel au bois…. « la quantité de biomasse n’est pas suffisante », j’ai entendu ce discours récurrent depuis près de 40 ans, il n’en est rien, personne n’a jamais manqué de bois depuis que le bois-énergie moderne a commencé son développement dans les années 1980.

C’est oublier un peu vite :

  • que 40% de l’accroissement annuel de la biomasse forestière française n’est pas récolté !
  • que chaque année 40 millions de m³ de bois sont laissés à pourrir ou laissés à être dévorés par le feu dans les forêts françaises. Quelle industrie pourrait demain consommer une telle quantité de bois ?
  • que la consommation française de bois-énergie est stable depuis plus de 30 ans, et ce à nombre croissant d’utilisateurs, résultat d’un formidable effort d’amélioration de l’efficacité énergétique des appareils de chauffage à bois, effort couronné de succès grâce à la politique d’aide au renouvellement des appareils domestiques initié depuis 2005 par l’ADEME,  à condition de n’aider que des appareils très performants, labellisés Flamme Verte … des aides que le gouvernement souhaite aujourd’hui réduire à peau de chagrin, quelle erreur de stratégie !

Evolution de la consommation de bois-énergie en France

La raison profonde de cette décision de baisser les aides au chauffage au bois, ne serait-elle pas plutôt à chercher dans l’échec de la politique d’électrification forcée de l’économie menée par le gouvernement français depuis 2017 : la suppression de la politique de cogénération, le tout véhicules électriques, le tout pompes à chaleur et même le tout décarbonation industrielle via le mirage de l’hydrogène obtenu par hydrolyse de l’eau ? Cette décision de baisser les aides au chauffage au bois, dernier grand challenger du chauffage électrique, ne serait-elle pas plutôt là pour justifier de devoir casser la tirelire des Français pour réinvestir, quoi qu’il en coûte, dans la filière nucléaire, dans la nouvelle, celle qui à coûté, selon les calculs de la Cour des comptes, 19 milliards € à Flamanville pour un seul réacteur, au lieu de 3,3 prévus, et dont on ne sait toujours pas s’il est viable.

C’est pourquoi il est fondamental, pour des raisons sociales, environnementale et économiques, que le gouvernement Bayrou revienne immédiatement sur cette décision. Les bases d’une gouvernance de la biomasse ont été posées : que TOUTES les parties concernées prennent le temps de définir ensemble un mix-énergétique de chauffage adapté, en évitant les décisions précipitées. Les documents de planification énergétique (PPE et SNBC) sont en consultation : il faudra en reprendre les recommandations et continuer à faire la promotion des appareils de chauffage au bois, première énergie renouvelable de France, la promotion bien entendu uniquement des plus performants en remplacement des énergies fossiles et des appareils polluants. A l’heure où tout le personnel politique n’a que le pouvoir d’achat aux lèvres, il serait inconcevable et socialement explosif, que les foyers Français ne puissent plus disposer, avec le bois, d’une alternative vertueuse et économique pour se chauffer.

Frédéric Douard




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